Nouveaux modes d’organisation du travail liés à la transformation numérique : à la fois souplesse et contrainte pour les employeurs
La contrainte se matérialise ici par le risque judiciaire. Pourquoi un risque ? Car la loi ne précède jamais les évolutions, elle les suit et, parfois, très lentement. Et la jurisprudence fonctionne de même ! Elle se construit par strates et laisse ainsi pendant un temps, parfois long, des zones de flou. D’où des incertitudes pour l’employeur et une impossibilité de sécuriser ses pratiques. Illustration au travers de deux exemples.
Le télétravail
Aujourd’hui, le constat est à un cadre juridique plus étoffé et un législateur encourageant ce mode d’organisation. Cependant, encore beaucoup de questions se posent : puis-je refuser le télétravail à un salarié pour lequel je sais que ça ne fonctionnera pas ? Comment y mettre fin si cela se passe mal ? Quels frais dois-je prendre en charge ? Etc. Zones de risques donc, mais, en même temps, grands atouts (attractivité, taux d’absentéisme divisé par 4, etc.Quelles solutions proposer ?
Formaliser le cadre et les règles de fonctionnement du télétravail dans un accord « maison », envisager la formation des managers « à distance », etc. Coupler ainsi communication interne positive, attractive et sécurité juridique.Le travail à distance
Même en l’absence de télétravail, la problématique du travail à distance se pose. La règle de droit : l’employeur doit décompter et contrôler le temps de travail de ses salariés. Comment procéder en pratique alors que les salariés peuvent consulter leurs mails partout et tout le temps ? Quelles sont les règles de preuve en cas de demande d’heures supplémentaires devant le Conseil de prud’hommes ? Comment l’employeur peut-il prévenir le risque de condamnation s’il n’a pas une pleine visibilité sur les heures de travail de ses salariés.Quelles solutions proposer ?Là aussi, la voie de la négociation est intéressante dès lors qu’elle est maintenant possible dans toutes les entreprises et tous les cabinets, même les plus petits. Plusieurs avantages : poser des principes (déconnexion, usage de la messagerie, etc.) pour prévenir les questions, les discussions, voire, les litiges. Et en même temps, afficher des valeurs de responsabilité, de confiance…Conclusion :Le challenge à relever dans la mise en place de ces nouveaux modes d’organisation du travail est d’autant plus intéressant qu’il est immense dans un contexte où, comme l’écrit la sociologue Dominique Méda, les Français, et en particulier les jeunes, sont parmi les plus attachés au travail. Les jeunes arrivant sur le marché du travail ne sont pas seulement attachés à leur emploi et à leur rémunération, mais également à l’ambiance, au cadre de travail, à la conciliation entre vie au travail et vie en dehors, au sens de leur mission… À la différence des anglo-saxons, nous avons un rapport très affectif au travail. Le prendre en considération, y compris dans la gestion du risque juridique, est donc une nécessité.Article de Maître Johanne MauchandMaître Johanne Mauchand est intervenue dans le cadres de l’événement Les Matinales de L’ACPI 2019, elle a participé à la première table ronde : “Management, organisation et bien-être au travail.”